1. À quels principaux risques les investisseurs seront-ils exposés en 2020, et quelle stratégie de placement recommanderiez-vous pour réduire leur incidence?
À l’aube de 2020, le contexte économique peut, au mieux, être qualifié d’atone. Le ralentissement se poursuit à l’échelle mondiale, notamment aux États-Unis et en Chine. Les résultats des sondages révèlent certains signes de stabilisation, mais la reprise de la croissance mondiale se fait attendre. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit que la croissance mondiale s’établira à 3,0 % en 2019, en baisse par rapport à 2018 (3,6 %) et à 2017 (3,8 %). Nous nous attendons à ce que cette décélération se poursuive au début de 2020. Dans ce contexte, nous devons considérer trois scénarios de risque : un prolongement du cycle économique qui entraînerait une accélération de l’inflation; un déraillement de la reprise cyclique en cours; et une réévaluation du risque et de la volatilité dans l’ensemble des marchés en raison d’un choc externe. Dans le premier scénario, l’étroitesse des marchés de l’emploi et la hausse des salaires s’accentueraient, ranimant une relation (illustrée par la courbe de Phillips) que l’on croyait éteinte. Les banques centrales, qui utilisent des cibles officielles pour orienter l’inflation, s’abstiendraient volontairement d’intervenir pour faciliter une remontée des attentes inflationnistes. Dans ce scénario, la courbe de rendement s’accentuerait, et les actifs sans risque concurrenceraient de nouveau les actifs risqués. Les ratios bénéfice/cours devant augmenter proportionnellement aux rendements obligataires, il en résulterait une compression des valorisations boursières. Ce scénario de croissance robuste annulerait en partie l’expansion des valorisations observée l’an dernier. Les actions bancaires et liées aux métaux, les actions de valeur et les obligations liées à l’inflation devraient occuper une plus grande place dans les fonds au cours du premier semestre, alors que ce risque sera plus prononcé. Dans le deuxième scénario, auquel nous souscrivons, le rebond cyclique tournerait court, mais la croissance se stabiliserait; les incertitudes (du Brexit aux échanges commerciaux en passant par le fardeau de la dette) limiteraient les investissements et les taux d’épargne des ménages resteraient élevés. Ce scénario favoriserait une pondération continue en substituts aux titres à revenu fixe. La durée serait une source de protection essentielle face au retour des attentes de réduction des taux. Les actions cycliques, par secteur et par région, resteraient à la traîne des éléments plus stables. Par exemple, les modèles économiques des marchés émergents, du Japon, de la Corée et de l’Allemagne seraient mis à l’épreuve. Les obligations de qualité et l’immobilier surclasseraient les autres catégories. Dans le troisième scénario, un choc politique, économique ou environnemental briserait la complaisance face au risque qui domine actuellement le marché. Une normalisation de la volatilité forcerait les investisseurs à réduire le risque associé à leurs placements. Ce phénomène pourrait être bref ou durable; dans le deuxième cas, les marchés privés et les « licornes » devraient s’adapter à la hausse du coût du capital. Dans le premier cas, les opérations de portage à effet de levier sur les devises et les structures de capital seraient brusquement dénouées. Étant donné qu’une volatilité ultra-faible favorise des valorisations élevées et une concentration excessive dans les titres risqués, les investisseurs devraient adopter une répartition de l’actif plus défensive en 2020. Ils devraient sans doute réduire leurs positions en compte les plus saturées, notamment sur les actions technologiques à très forte capitalisation, et diversifier leur portefeuille. Au fil des événements, un gestionnaire de placements mondiaux actif sera le mieux placé pour suivre de près l’évolution des marchés mondiaux. En période d’incertitude, les investisseurs ont davantage intérêt à privilégier des placements bien diversifiés dans plusieurs secteurs pour repérer les créneaux surperformants et générer un revenu. 2. Quel est votre point de vue sur les obligations canadiennes? À quel genre de performance pouvons-nous nous attendre d’ici la fin de 2020? L’univers des obligations canadiennes (représenté par l’indice des obligations universelles FTSE Canada) devrait dégager un rendement de 2 % à 3 % en 2020, car les taux pourraient baisser légèrement, en particulier au deuxième semestre, et les titres de créance ajouteront de la valeur. Si les choses se déroulent ainsi, les investisseurs en obligations pourront en tirer profit. À moins que les prévisions concernant la croissance canadienne s’améliorent au premier semestre de 2020, nous nous attendons à ce que la Banque du Canada abaisse ses taux de 25 points de base pour stimuler la croissance et combler l’écart de production. Si ce scénario se concrétise, nous prévoyons que le rendement de l’obligation d’État à 10 ans chutera, mais moins que le taux à un jour, de sorte que la courbe de rendement s’accentuera. 3. Que pensez-vous de l’évolution des écarts de rendement des obligations municipales et provinciales et des obligations de sociétés? D’après nous, la situation des provinces productrices de produits de base restera difficile au premier semestre. Cela signifie qu’en l’absence de hausse des prix des produits de base, le rendement supplémentaire d’environ 0,1 % offert par les obligations de l’Alberta par rapport à celles de l’Ontario pourrait encore augmenter; par conséquent, nous sous-pondérons toujours ces titres. Même si nous nous attendons à ce que les écarts des obligations des principales provinces (Québec, Ontario et Colombie-Britannique) soient plus avantageux cette année, nous restons neutres sur les obligations provinciales, car le rendement supplémentaire offert par les titres à 10 et à 30 ans par rapport aux obligations du gouvernement du Canada (respectivement d’environ 0,6 % et 0,75 %) n’a jamais été aussi faible depuis des années. Les obligations municipales offrent un rendement supérieur à celui des obligations provinciales, que nous considérons d’un bon œil. Étant donné que les émetteurs municipaux sont moins endettés que leurs homologues provinciaux, le rendement supplémentaire offert par les obligations municipales par rapport aux obligations provinciales, qui varie de 0,2 % à 0,4 %, reflète surtout le risque d’illiquidité. Nous pensons que les écarts actuels compensent équitablement les porteurs d’obligations municipales pour cette liquidité inférieure; nous restons donc optimistes au sujet des titres municipaux en 2020. Les obligations de sociétés ont connu une excellente année 2019. Les écarts se sont resserrés et les taux ont diminué, les investisseurs étant en quête d’actifs à taux positif. La demande d’obligations de sociétés demeure forte; les écarts devraient donc continuer de se resserrer en ce début d’année. Outre les facteurs techniques favorables, les écarts seront soutenus par le faible nombre de fusions et d’acquisitions d’entreprises, la politique monétaire toujours accommodante de la Fed, la demande de crédit intérieure relativement forte, et l’apaisement des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine. Fondamentalement, les ratios d’endettement globaux ont légèrement augmenté, ce qui a nui à la qualité du crédit, et ils demeurent élevés. En ce début d’année toutefois, l’endettement dans la plupart des segments (sauf celui des obligations à rendement élevé des secteurs pétrolier et gazier) nous semble acceptable. 4. Quels secteurs offrent les possibilités de placement les plus intéressantes en 2020? L’enthousiasme suscité par la technologie n’est pas dépourvu de fondement. L’évolution des prix et l’accessibilité de la puissance informatique, du stockage et de l’apprentissage machine sont véritablement révolutionnaires. Nous participons à cette croissance structurelle par le biais de placements importants dans les fabricants de semiconducteurs et les fournisseurs de services infonuagiques aux États-Unis et en Chine. Il s’agit d’occasions de plus en plus liées à un territoire, car la Chine vise l’indépendance technologique et construit un « rideau de silicone ». En fait, l’infonuagique en Chine en est à un stade bien moins avancé, se développera beaucoup plus rapidement et profitera à un groupe plus restreint de chefs de file. En 2020, les caméras et les capteurs d’images 3D contribueront à accroître la capture des données. Les appareils proliféreront et la technologie sans fil 5G améliorera les capacités et les vitesses de transmission. On peut s’attendre à ce que toutes sortes de nouveaux services aux consommateurs et aux entreprises surfent sur cette vague de mobilité. Au cours des années à venir, les innovations et les réductions de coûts permises par les téléphones intelligents alimenteront la croissance de l’économie numérique dans divers domaines. Les sociétés devront aménager des écosystèmes pour assurer la survie des clients numériques. À partir de là, les occasions proviendront sans doute davantage de l’extérieur de la technologie que de l’intérieur – des entreprises qui auront su s’adapter. Cela aura une incidence directe sur d’autres secteurs à même d’exploiter efficacement les percées technologiques. Par exemple, la finance a appris à maîtriser la technologie à des fins d’efficacité opérationnelle et d’amélioration de l’expérience client. Les banques et les compagnies d’assurance ayant l’envergure nécessaire pour investir en récoltent les avantages, ce qui pourrait mettre en péril les acteurs plus modestes. Dans l’industrie, l’immobilier, les services publics, la logistique, les biens de consommation et les soins de santé, les possibilités sont infinies; la révolution ne se limite plus au commerce de détail et aux médias. Les capacités de la direction sont, à ce stade, déterminantes. Notre équipe s’efforce tout particulièrement de repérer les gagnants et les perdants. À l’échelle régionale, nous sommes préoccupés par le Royaume-Uni et l’Europe, aux prises avec des défis politiques et liés à la croissance. Parmi les pays émergents, la Chine et les pays émergents d’Asie affichent les meilleures perspectives de croissance, tandis que l’Amérique latine, l’Afrique et le Moyen-Orient souffrent encore de l’effondrement du super-cycle des produits de base. Nous continuons de privilégier les États-Unis et la Chine, soit les deux grandes économies de consommateurs qui dominent l’innovation technologique. La performance du Canada devrait être comparable à celle des marchés mondiaux, ayant absorbé les chocs subis par le secteur énergétique. Les banques auront probablement un impact important sur le marché canadien; leurs valorisations inférieures à celles des banques américaines semblent contrebalancer l’endettement plus lourd des consommateurs canadiens et la cherté du secteur de l’immobilier. Dans un monde en pleine ébullition, le Canada fait figure de marché-refuge, attirant les gens sinon les capitaux. 5. Quelle répartition de l’actif, comparativement à un portefeuille de référence comprenant 40 % d’obligations et 60 % d’actions, recommanderiez-vous pour 2020? À l’aube de 2020, notre portefeuille contient une position sous-pondérée de 55 % en actions, en raison principalement des valorisations boursières et de nos perspectives de croissance des bénéfices modestes. Nous surpondérons les obligations de bonne qualité et sous-pondérons les obligations à rendement élevé, car nous pensons que la croissance lente et le contexte de fin de cycle soutiendront les actifs de portage de bonne qualité. La duration est neutre, mais aura tendance à augmenter si les taux obligataires remontent. Nous avons conservé une position en lingots d’or à titre de couverture contre les risques extrêmes d’inflation et de déflation, en vue d’une décélération ou d’une accélération brutale. La Réserve fédérale pourrait tirer la dernière balle de son arsenal monétaire en réduisant son taux directeur à zéro – scénario qui serait favorable à l’or. Enfin, nous conservons une pondération en effets de trésorerie de 5 %, en vue de profiter des occasions attrayantes qui se présentent dans l’ensemble des catégories d’actifs. 6. Comment avez-vous positionné votre portefeuille après l’aplatissement de la courbe de rendement en 2019? Au quatrième trimestre de 2019, nous avons commencé à augmenter la pondération des titres misant sur une accentuation de la courbe en achetant des obligations de 5 à 7 ans et en vendant des obligations à 30 ans. Nous continuerons d’accumuler ces titres tout en surveillant l’évolution de la courbe tout au long de 2020. 7. Quel sera le risque géopolitique le plus important en 2020? Il en existe selon nous deux : les politiques populistes et l’incertitude commerciale. La montée du populisme n’a pas faibli en 2019 face aux problèmes persistants des inégalités de revenu, de la sécurité et de l’immigration. L’action politique protestataire (plutôt que par le biais du vote) s’est étendue de la France au monde entier pour toucher le Liban, le Pérou, l’Irak et Hong Kong. Cette tendance ne fera que s’aggraver tant qu’on n’aura pas trouvé un nouvel équilibre entre les intérêts des travailleurs, du capital, de l’environnement et des États-nations. Il s’agit d’un parcours complexe, parsemé d’implications économiques réelles. Le résultat des élections américaines sera sans doute la pièce centrale du casse-tête politique de 2020. L’incertitude (particulièrement au chapitre du commerce mondial) devrait persister, qu’un accord commercial sino-américain de phase 1 soit conclu ou non. Les questions cruciales de l’accès aux marchés et des subventions de l’État ne seront sans doute pas réglées. De nouveaux fronts pourraient s’ouvrir dans la guerre commerciale, car le différend entre les États-Unis et l’Union européenne sur l’automobile, l’agriculture et le commerce numérique s’envenime. Les grands importateurs comme l’Inde sont conscients de leur puissance commerciale et suivent les États-Unis sur la voie du protectionnisme. 8. Quels événements pourraient surprendre positivement les marchés? Il y en a peu – et c’est là le problème. Le début de 2019 était caractérisé par des valorisations boursières déprimées, des écarts de crédit élevés et la perspective d’une récession imminente; on pouvait donc davantage espérer une bonne surprise. À l’aube de 2020, les marchés se situent à l’autre extrême : les attentes sont élevées, et les politiques favorables aux risques ont déjà été mises en œuvre. Un scénario positif verrait le président Trump adopter des politiques favorables aux marchés et mettre de côté les différends commerciaux jusqu’en 2021. Une collaboration de la Chine à cet égard, sous forme d’investissements accrus en infrastructures, stimulerait la croissance mondiale, en particulier les économies émergentes et les produits de base. 9. La Réserve fédérale (Fed) est-elle prête à interrompre son cycle de réduction des taux? Que fera la Banque du Canada en 2020? La Fed maintiendra probablement sa politique accommodante tout au long de 2020. Elle ne relèvera pas les taux d’intérêt à court terme, mais pourrait les réduire si les perspectives économiques mondiales ne s’améliorent pas (ou s’assombrissent). Face au ralentissement de l’économie mondiale en 2019, de nombreuses banques centrales ont assoupli leur politique, et la Banque du Canada continuera probablement de résister aux pressions du marché en faveur d’une réduction des taux tant qu’elle n’aura pas perçu des signes clairs d’affaiblissement de l’activité intérieure et/ou de ralentissement de l’inflation. Cela dit, la Banque du Canada ne peut se permettre un durcissement des conditions financières qui pèserait encore davantage sur les perspectives économiques. L’atteinte de cet équilibre est primordiale, ce qui laisse aux taux à court terme davantage de latitude pour diminuer qu’aux taux à long terme, atténuant ainsi l’inversion de la courbe des taux canadiens. 10. Quels éléments pourraient faire augmenter les taux d’intérêt? L’inflation est un risque important que nous suivrons de près. Alors que les banques centrales tentent de préserver la crédibilité de leur politique de ciblage de l’inflation, une politique monétaire mondiale extrêmement accommodante pourrait accroître l’inflation, alors que les pressions salariales s’accentuent. Une accélération de l’inflation exercera une pression sur les taux d’intérêt. Les taux à court terme demeureront peut-être stables, mais les taux à long terme pourraient augmenter. Les dépenses budgétaires massives et la croissance mondiale robuste pourraient elles aussi pousser les taux à la hausse. Nous surveillons la croissance de l’emploi et des salaires, qui contribue à faire grimper les taux d’intérêt. Si les incertitudes géopolitiques et économiques n’entraînent pas une hausse du chômage, les pressions salariales continueront d’augmenter, ce qui pourrait faire monter les salaires et attiser l’inflation. Les banques centrales devront au bout du compte mettre en balance l’accélération de l’inflation et la hausse des taux d’intérêt, même si leur intention est de laisser l’inflation dépasser sa cible. Nous surveillerons étroitement les risques politiques aux États-Unis. La situation budgétaire américaine est précaire et les promesses initiales des candidats des deux partis ne laissent pas entrevoir l’émergence d’une certaine prudence budgétaire. Il sera essentiel d’analyser les répercussions économiques des programmes des Démocrates et des Républicains. Entrevue avec Placements CI offerte par SSQ Assurance Sources : Bloomberg Finance L.P. et Signature Gestion mondiale d’actifs, au 31 décembre 2019 Le présent contenu ne doit pas être pris ni interprété comme un conseil en matière de placement ni comme une promotion ou une recommandation à l’égard des entités ou des titres dont il est question. Certains énoncés contenus dans la présente sont fondés entièrement ou en partie sur de l’information fournie par des tiers; CI a pris des mesures raisonnables afin de s’assurer qu’ils sont exacts. Signature Gestion mondiale d’actifs est une division de CI Investments Inc. Certains fonds associés à Signature Gestion mondiale d’actifs sont sous-conseillés par CI Global Investments Inc., société inscrite auprès de la Commission des valeurs mobilières des États-Unis et société affiliée à CI Investments Inc.
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AuteurÉquipe de Finaplus Archives
Décembre 2022
CatEgories |